Semences de curieux (1)

Les variétés anciennes de blé
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Marc
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août 2013
jeudi
08
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Voici le premier de trois épisodes d'une histoire du blé au travers les premiers livres imprimés
Le XVème siècle est le siècle où nait l’imprimerie.
Vers 1452-54, Johannes GUTENBERG sort le premier livre imprimé ; «La Bible», en 180 exemplaires.
A Mainz (–Mayence-), il a fallu 3 années à l’atelier de GUTENBERG pour réaliser ces 180 bibles, un moine copiste dans le même durée (3 ans) réalisait une seule bible, pas 180.
Même avec des retards d’impression du aux maladies de jeunesse, l’imprimerie devenait vite inconcurencable.
Les prochains thèmes à imprimer qui répondent à une demande seront les «herbiers», plusieurs auteurs s’y appliquent.
Comme on ne conçoit pas un livre de géographie sans carte, on n’imagine pas un herbier imprimé sans description des plantes.
Tout de suite se pose le problème de l’investissement car si le texte se contente des lettres de l’alphabet et de belles lettrines, les planches en bois gravés pour chaque plantes sont un gros investissement.

Un des premiers « herbiers imprimés » est «HortusSanitatis» (= le jardin de santé) publié vers 1491 , mais les descriptions autant graphiques que littéraires n’auront pas la rigueur que le siècle suivant apportera avec des auteurs plus appliqués sur l’observation purement botanique [note]1|Vous pouvez consulter ces planches sur ce site dans l'album B.N., à cette adresse;https://boulangerienet.fr/bn/gallery/al ... lbum_id=12[/note].
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Jean RUEL (°Soissons, 1479 - † Paris 1537), médecin du roi de France, François Ier, va refaire une traduction de l’ouvrage «De materia medica», soit -De la médecine- du grec Pedanius DIOSCORIDE (°40-† 90) et puis publié «De Natura stirpium libritres», soit -La nature des plantes en 3 volumes - en 1536.
Une même connaissance des ouvrages anciens (grec et romain) fait qu’en Allemagne, c’est le médecin Léonhart FUCHS (°1501 – †1566) qui est un des figures marquantes dans les publications botanistes. Il publie en 1542 «Historia stirpium commentarii», soit –Commentaires sur les histoires des plantes-
Les planches (gravures sur bois) de cet ouvrage, œuvre de Veit Rudolph SPECKLE et les dessins d’Albert MEYER sont plus précis et assez remarquables.
Ces descriptions sont assez pointues.
Par exemple, ces dessins permettent déjà de différencier les triticums entre eux dans le tableau, ci dessous.
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C’est aussi l’époque où spécialement en Flandres des médecins s’intéressent à la botanique avec bien sur en toile de fond, la pratique médicinale.
Trois acteurs vont se succéder, inventorier, approfondir et parfois se copier l’un l’autre
En établissant un inventaire daté entre l’action de ces trois personnages, on remarque que Charles L’ECLUSE et Mathias DELOBEL ont été instruit par Guil.RONDELET (1507-1566) à Montpellier.
Il est curieux de constater que Guillaume RONDELET qui écrira des ouvrages sur les poissons, m’a jamais rien écrit sur les plantes mais qu’il fut un grand connaisseur et enseignant sur ce domaine.
C’est Mathias DELOBEL qui héritera des manuscrits de RONDELET en ce domaine et un peu avant Charles de L’ECLUSE fut son secrétaire pendant trois ans.
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On pourrait discuter sur la dénomination de flamand de Charles de L’ECLUSE né à Arras et décédé aux Pays-Bas, ainsi que pour Mathias DELOBEL (qui son avenue à Lille –Rijssel en VL- sa ville natale) mais rappelons qu’ils étudient et publient tous les deux dans les universités flamandes (Leuven et Gent) et que leur vie se déroulera souvent en Flandres , même si il voyage beaucoup pour l’époque.
Avant d’entrer dans le vif du sujet avec la description des blés au XVIème siècle, approfondissons encore le développement de l’imprimerie pour bien comprendre l’évolution à la fois de la botanique et des difficultés des chercheurs de l’époque.
Les dessins du Crŭÿdeboeck (1554) et de Frumentorum…(1566), livres de DODOENS, le premier des écrivains flamands sont repris dans le Kruydboek oft Beschrijvinghe (1581) de M. DELOBEL.
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Cela est probablement du à l’imprimeur anversois qui leur est commun Christophe PLANTIN et son successeur et gendre Jan MORETUS.
En 1543, la version en allemand (New Kreutterbuch ) du livre de FUCHS d’abord publié en latin Historia stirpium commentarii a été édité à Bâle et six ans plus tard apparut la traduction en néerlandais.
En 1551, Jan VAN DER LOE, le premier imprimeur et ami de DODOENS, visitait la foire du livre à Frankfurt en Allemagne .
Cette foire était renommée dans cette époque . L’historien Weidhaas raconte que, déjà vers 1500, la foire était le centre commercial de livres, imprimés selon la technologie de J.GUTENBERG.
En masse venaient les intellectuels et commerçants d'Anvers, Paris, Londres, Venise, Cracovie.
Apparemment, en 1501, il y avait plus que 1100 imprimeries en Europe (dont 7 en Belgique et 14 en Hollande).
Le transport des livres vers la foire était une expédition dangereuse et chère pour les commerçants.
Pour le transport de deux caisses avec livres, environ 500 kgs, entre Lyon et Frankfurt, on devait payer le transporteur 1.5 florins par 50 Kgs, donc 15 florins ce qui est une somme considérable pour l’époque.
Parce que le transport était si cher, la reliure se faisait à Frankfurt. La plupart des livres avait des couvertures en bois solide !
Les hôtels en Allemagne avaient une mauvaise réputation. ERASME, qui présentait ses livres à la foire aussi, racontait qu'il n'y avait pas de chambres individuelles et que 80 à 90 personnes, femmes, garçons, commerçants, malades etc. étaient rassemblés dans une seule chambre avec des draps, lavés il y a 6 mois...
Christophe PLANTIN visitait la foire de "Pâques" de Frankfurt en 1566 et il voyageait dans une calèche d'Anvers jusque Cologne. Son beau-fils MORETUS faisait le voyage à pied jusque Cologne. De Cologne à Frankfurt ils prenaient, tous les deux, le bateau (Rhin-Main). Le retour en bateau jusque Cologne, puis à pied jusque Maastricht et en calèche vers Anvers.
PLANTIN payait pour le voyage total 131 florins.
Il emportait ses caisses de livres avec plus que 5000 copies de 67 oeuvres différents. Il vendait et achetait pour 1625 florins.
Frankfurt devenait pas seulement une foire mais aussi un lieu de rencontre intellectuel ou des professeurs des universités se rencontraient et dans les environs de la foire existaient des marchés, connus pour la vente de peintures, gravures de bois etc.
En 1540 par exemple, l'épouse du fameux Albrecht DÜRER (artiste peintre) venait à Frankfurt pour la vente de son oeuvre.
En tout cas, Jan VAN DER LOE a négocié à Frankfurt et obtenait le privilège pour éditer et ré-arranger le livre de FUCHS (ce dernier n'avait plus beaucoup de succès et probablement, VAN DER LOE faisait la bonne affaire).
Dans une lettre de 1553 de DODOENS à FUCHS, Rembert DODOENS lui-même dit qu'il avait copié 500 gravures de FUCHS, donc presque tout. Il ajoutait dans sa publication «seulement» 210 illustrations venant de sa propre production.
Ce n'est qu’à partir de 1566 que DODOENS laissait imprimer tout chez le fameux PLANTIN et Jan Veth faisant l’inventaire des imprimés de DODOENS raconte qu’à partir de cette date, les dessins des plantes devenaient meilleurs.
C'était le réputé dessinateur malinois, Pieter VAN DER BORCHT, qui travaillait pour les éditions botaniques de PLANTIN. L’imprimeur anversois payait à VAN DER BORCHT, 15 florins pour 60 dessins du Frumentorum… (blés, froments…) de DODOENS.
C.PLANTIN avait aussi des artistes excellents qui gravaient sur bois. On sait qu'un des graveurs, Arnold NICOLAI, touchait pour les blocs de bois 7 florins par pièce.
Voilà dressé (grâce à la recherche de Piet De Bruyn que nous devons remercier ici), l’ambiance de la société à l’époque. On y voit que le marché de l’imprimerie qui en est à ces débuts a déjà des méthodes qu’aujourd’hui on qualifierait, de «copier/coller» . Comme nous en avons été intrigués en comparant ces quatre planches décrivant les céréales ou l’inversion du dessin semble évidente, surtout dans la position des limbes (feuille de l’épi).
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A suivre après cette longue introduction sur les premiers livres, dans une deuxième fournée, la description des froments au XVIème siècle, puis dans une troisième fournée la description des épeautres ou plutôt blés "vêtus" de l'époque.
Pour l'épisode suivant cliquez ici

Sources:
Tous ces livres anciens et rares sont de plus en plus mis en ligne par des bibliothèques et Google Books, ce qui permet de citer les articles qui commentent cette époque et auxquels on s'est ressourcé.
-/Lepilliet Ariane, Le «Historia Stirpium» de Léonhart Fuchs, histoire d’un succès éditorial (1542-1560), Master de l’Université de Lyon, 2012
-/Schapendonk Ans, "Van nuttighe en profijtelijckecruyden" soit Plantes utiles et rentables, 2005
-/Weidhaas Peter, Zur Geschichte der Frankfurter Buchmesse. Soit: Sur l’histoire de l’exposition/foire de livres de Francfort,
-/Veth Jan, De prenten in het Cruydt-boeck van Dodonaeus, soit Les impressions de l’herbier de Dodoens, 1935
-/Van Meerbeeck P.J., Recherches historiques et critiques sur la vie et les ouvrages de Rembert Dodoens, Malines 1841

Le document "semences de curieux sera mis en ligne sur B.N. avec notes et lien hypertexte bientôt.




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Bon pain
Marc
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DRAILOU
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août 2013
vendredi
09
12:12

L'alphabet et son pendant "organisé" : l'écriture; le livre et sa fabrication "industrielle" : l'imprimerie sont deux supports et vecteurs de la connaissance et du savoir.
Merci Marc pour vos sujets.
Gilles
" Le pain est la nourriture des hommes depuis des millénaires. Respectez-le; il est le résultat du travail de tant d'hommes et la récompense de tant d'efforts"
(Antoine de St Exupéry)
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